Vive la culture
Complices depuis une vingtaine d’années dans la vie et sur des projets d’écriture, de réalisation ou de mise en scène, Mika Tard et Déborah Saïag cheminent à deux sur les chemins variés de la création ; comédie dramatique et sociale avec le scénario du film Encore Heureux sorti en salles en 2016, comédie documentaire avec la mini-série Kings diffusée sur Canal+ en 2018, ou encore le thriller psychologique avec l’écriture du roman Ta Main sur ma Bouche en 2021. C’est encore à quatre mains qu’elles ont réalisé Mika Ex Machina, un road trip à moto… à l’arrêt (en salle le 1er janvier). Sans surprise, c’est donc à deux qu’elles ont imaginé cette sélection.
L’exposition Ravel Boléro, qui vient de s’ouvrir à la Philharmonie de Paris et qui se tiendra jusqu’au 15 juin, nous a donné envie de republier la sélection que nous avions consacrée à ce monument de la musique mondial à l’occasion de la sortie sur les écrans, en mars dernier, du film Boléro d’Anne Fontaine. Et puis, hasard objectif, nous nous sommes rappelés que Maurice Ravel était décédé un 28 décembre. Deux bonnes raisons s’il en fallait pour se faire plaisir, en toute subjectivité.
« L’essentiel de ma vie c’est d’apprendre des textes. Comme je n’arrive pas à faire deux choses à la fois, il n’y a que le texte que j’apprends qui me rentre dans la tête. Mais aussi, je lis très, très lentement. Quand on est acteur, on vit toujours sur l’émotivité, sur l’affectif, sur la passion. On ne peut pas parler normalement, objectivement de quelque chose. Soit on est dans tous ses états d’admiration et on ne trouve pas les mots, ou alors on aime tellement qu’on ne veut en parler à personne, on veut garder ça pour soi. Je ne lisais pas beaucoup mais je dessinais et souvent les gens qui dessinent ne lisent pas. Ou peu. La peinture c’est la sérénité, c’est la joie perpétuelle, on ne dépend de personne. »
En attendant de la voir sur scène dans L’Amante anglaise, en mars prochain, Dominique Reymond nous a livré sa sélection dans laquelle il n’y a que des livres. Pour quelqu’un qui lit peu…
Timothée de Fombelle est un auteur aux multiples casquettes. Ancien professeur de français, il commence par se faire remarquer en écrivant pour le théâtre. Puis, en 2006, il crée le personnage de Tobie Lolness dont les aventures - illustrées par François Place - se vendront à plus de 1,6 million d’exemplaires dans le monde. Timothée a ensuite créé le personnage de Vango, puis celui d’Alma dont le tome 3 des aventures est sorti avant l’été. Faut-il ajouter que toutes ces séries ont été couvertes de prix et de récompenses ? Timothée de Fombelle a accepté notre invitation pour évoquer l’enfance et revenir sur sa passion du théâtre.
En une vingtaine de films depuis son premier court métrage (Qui je suis 1998), Bertrand Bonello est devenu un des cinéastes les plus audacieux de ce début de XXIe siècle. « Cette année on m’a consacré cinq ou six rétrospectives, ça fout un coup ! ». L’Apollonide (2011), Saint Laurent (2014), Nocturama (2016), Zombie child (2019), La Bête (2023)… pour chacun Bertrand Bonello explore une forme différente, mais tous partagent cette atmosphère imprégnée de mélancolie et de tension qu’on retrouve dans les films d’horreur réalisés par de grands formalistes avant lui. Alors qu’il travaille sur un projet qu’il devrait tourner en 2025, Bertrand Bonello a pris le temps d’accepter notre invitation et de nous livrer sa sélection.
Géographe de formation, depuis une quinzaine d’années Emmanuel Ruben emmène ses lecteurs sur les routes de l’Europe ou sur les bords de la Méditerranée, voyages pour lesquels on prend souvent le train (Halte à Yalta 2010, Terminus Schengen 2018), ou que l’on fait parfois à vélo (Sur la route du Danube 2019). Géographe et écrivain, Emmanuel Ruben s’est créé un double; Samuel Vidouble, qu’on retrouve dans son dernier roman Malville, pour lequel Emmanuel Ruben enfourche cette fois les codes du roman d’anticipation pour aborder un thème qui l’inquiète ; le nucléaire. Pour répondre à notre invitation, Emmanuel a posé son sac d’où il a sorti sa sélection. Une sélection irradiante.
Il y a cent ans, les poumons de Franz Kafka (Prague 1883 - Kierling 1924) cessèrent de fonctionner, entraînant un arrêt cardiaque fatal à l’auteur de La Métamorphose, Le Procès, Le Château,… des nouvelles et romans qui, malgré lui, en firent un des écrivains majeurs du XXe siècle, et probablement de ceux à venir.
«Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (...), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu (...) À toi de tout cœur. » — Franz Kafka.
Fidèle à notre habitude d’éclairer une œuvre plutôt que d’en proposer une exégèse, nous avons choisi cette douzaine d'œuvres en toute subjectivité. Kafkaïen on dit certains ?
La sortie en salle de Souviens-toi du futur a été l’occasion d’inviter le cinéaste Romain Goupil à faire sa sélection. Lorsque nous nous sommes rencontrés début octobre, venait de sortir sur les écrans Les Graines du figuier sauvage, de Mohammad Rasoulof. Son analyse du film fût l’occasion, pour lui, de nous livrer une profonde réflexion ponctuée de questionnements sur le cinéma, son rôle social, sur le cinéma militant, sur l’utilité de l’art en générale… dont nous aurions pu extraire une trentaine de titres. Ce qui est sûr, c’est que cette figure de Mai 68, grand militant s’il en est, ne confond pas cinéma et militance, même si les sujets abordés sont en parfaite adéquation avec ses convictions de citoyen. “Tout môme déjà, je vais refuser le cinéma militant et tout ce qui va illustrer un discours.” Pour Romain Goupil, le cinéma doit divertir ou amener à réfléchir par soi-même, pas à illustrer un discours. Une sélection en seize références pour essayer de faire le tour de la question.
La publication, en 1924, du Manifeste du surréalisme d’André Breton, permet, cent ans plus tard, d’en célébrer le centenaire… Cette pirouette pour expliquer que notre démarche n’a rien de l’exégèse d’un mouvement intellectuel et artistique protéiforme, aux ramifications nombreuses, complexes, aux acteurs venus d’horizons variés, un mouvement qui convoque le « changer la vie » de Rimbaud et le « transformer le monde » de Marx, le rêve et la psychanalyse. Ici, à côté de quelques incontournables, c’est l’envie d’une promenade buissonnière dans des œuvres et des personnalités moins attendues qui nous a animés, en toute subjectivité, il va sans dire.
Quand il empoigne la vie d’un personnage pour la mettre en scène, Youssef Daoudi ne le fait pas en moins de trois cents pages d’un dessin en noir et blanc puissant et onirique, que renforce une construction qui s’affranchit des cases pour mieux coller à son récit. Il faut dire que les sujets qu’il choisit ne manquent pas de coffre : Thelonious Monk, un des plus grands génies du jazz, Jack Johnson, le premier boxeur Afro-Américain champion du monde de boxe en 1909, et tout récemment Orson Welles, le plus shakespearien des réalisateurs américains. Quand nous lui avons proposé notre invitation, cet infatigable curieux nous a répondu : “Ah oui, et il faut féliciter les bibliothécaires qui nous font faire des découvertes ! ” Que dire de plus ? Merci !
“Le Surréalisme est le Rayon Invisible qui nous permettra un jour de l’emporter sur nos adversaires” écrivait André Breton à la fin du Manifeste, faisant ainsi du mouvement surréaliste un outil de lutte. En digne héritier, Damien MacDonald rejoue ce serment dans sa BD Le Rayon invisible, dans laquelle il appelle de ses vœux une nouvelle révolution surréaliste. “Le surréalisme est mon obédience. Je suis absolument persuadé que les combats écologiques, décoloniaux, contemporains nécessaires rejoignent complètement la ferveur révolutionnaire de Breton.” En attendant le parcours que nous préparons pour célébrer les cents ans de la parution du célèbre Manifeste, Damien MacDonald a accepté notre invitation à faire sa sélection. Nous en sommes enchantés.
Journaliste et réalisateur, Simon Fichet s’est embarqué dans une chasse un peu particulière, la chasse à la tornade. Plutôt, il a accepté, avec un peu de réticence, d’accompagner aux États-Unis un collègue pour suivre ces fameux chasseurs de tornades, ces monstres d’eau et de vent capables de balayer des quartiers entiers et d’envoyer balader des SUV de plusieurs tonnes, ou des toitures et les murs qui les soutiennent à plusieurs kilomètres. Tornade est un récit captivant, haletant, qui nous rappelle aussi qu’il ne faut jamais se lancer à l’aventure sans une réserve de rouleaux de scotch très résistant... Avant de repartir à l’autre bout du monde, Simon Fichet nous a confié sa sélection. Bon voyage.
Avec La Petite bonne, son premier roman à diffusion nationale après une trilogie sur l’histoire d’un village dans le Queyras pour un éditeur régional publiée en 2022, Bérénice Pichat a hissé l’histoire de ses trois personnages (une bonne, une gueule cassée de la guerre de 14 et sa femme) sur le haut de la pile des romans de la rentrée littéraire. Dans une langue limpide, fluide, rythmée par des passages en vers libres, Bérénice raconte les ravages de la guerre et ses conséquences qui n’en finissent jamais. Quelques heures avant son passage dans La Grande librairie, Bérénice a pris le temps de nous livrer sa sélection que nous partageons aujourd’hui.
Laurent de Wilde est un passeur. Certes c’est un musicien, talentueux et reconnu de surcroît, mais un pianiste qui enregistre des portraits musicaux d’artistes - Thelonious Monk, Charles Mingus - pour arte, qui anime une émission de radio quotidienne sur le jazz (sur Radio Classique), qui écrit des livres (École normale un jour, normalien toujours), est plus qu’un simple musicien. C’est un passeur. Il suffit de plonger dans la sélection qu’il a composée avec générosité pour s’en rendre compte. “Je suis un grand partisan des règles qu’on se donne de façon un peu sévère quand on travaille, règles qu’on doit surpasser.” Mission accomplie.
La rentrée littéraire a ceci d’intéressant, c’est qu’aux titres d’auteurs reconnus se mêlent ceux de romanciers à découvrir, ainsi que ceux dont on attend les œuvres pour confirmer l’intérêt qu’on a porté à leurs premiers textes. C’est le cas de Tiphaine Le Gall qui, après les très remarqués Une Ombre qui marche (2020) et Le Principe de réalité ouzbek (2022), publie La Fille près du feu, son troisième roman. Eric Chevillard dit de l’écriture de Tiphaine Le Gall : “ Une phrase belle, souple, pleine de petits nerfs sagaces. On dirait une belette.” Tiphaine Le Gall a accepté notre invitation, et nous a livré sa sélection dont elle dit : ” Parfois on se réfugie derrière des références pour masquer sa propre pensée”.
Frédéric Paulin a marqué les esprits des lecteurs de romans noirs, en 2018, avec La Guerre est une ruse (Prix des lecteurs au festival Quai du polar en 2019), le premier volet de la trilogie Benlazar dans la laquelle il retraçait la montée du terrorisme islamique, de la victoire du FIS en Algérie, jusqu’aux attentats de 2015 à Paris. Avec Nul ennemi comme un frère, roman époustouflant qui inaugure une nouvelle trilogie, c’est dans la guerre libanaise que Frédéric Paulin nous entraîne, dans le sillage d’une poignée de personnages amenés à se croiser au fil de l’histoire. Et contrairement au tatouage qu’il porte sur le bras, “The Future Is Unwritten”, les deux volumes à suivre sont déjà prêts et sortiront en février et septembre 2025. En attendant, Frédéric Paulin nous a livré sa sélection avec laquelle nous débutons cette nouvelle saison, et nous en sommes ravis.
La période estivale donne souvent l’occasion de découvrir des films qu’on n’attendait pas. Les Fantômes, projeté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes et salué comme une grande réussite, est de ceux-là et sortira mercredi prochain. Jonathan Millet a déjà réalisé plusieurs documentaires multi récompensés, dont Ceuta, douce prison en 2012, ou Et toujours nous marcherons en 2017, Les Fantômes est son premier film de fiction. De son expérience de documentariste il a gardé cette recherche d’un cinéma animé d’un rapport très sensoriel aux choses et à la profondeur de ses personnages qui créent dans son film d’espionnage une tension rare. Jonathan Millet a accepté de nous livrer sa sélection qui vient clôturer, en beauté, cette saison.
Avec huit albums depuis 1997, on ne peut pas reprocher à Françoiz Breut d’encombrer les devants de l’actualité. Chanteuse, compositrice, mais aussi illustratrice, celle qu’on pourrait raccrocher à une nébuleuse dans laquelle on retrouverait Dominique A, Yann Tiersen, Calexico, Louise Attaque… ces tailleurs de chansons aux univers si particuliers, Françoiz Breut donc, part sur les routes avec son album Vif ! dans ses bagages. Avant de partir, Françoiz a pris le temps de nous livrer sa sélection, et nous en sommes ravis.